En entrant dans la coopérative de Beaufort, j’ai entendu un souffle.
Pas celui du vent.
Celui du lait chaud qui frémit, du cuivre qui chante doucement, des montagnes qui murmurent à travers les gestes des fromagers.

Le prince est en fabrication

Ils l’appellent le prince des gruyères.
Le Beaufort AOP, produit ici même, à flanc d’Alpes, entre prairies d’altitude et vaches de race Tarine ou Abondance.
Mais ce jour-là, moi, je n’ai pas croisé un fromage.
J’ai croisé un savoir-faire.

Dans une grande salle carrelée, un homme penché sur une cuve de cuivre.
Il touille. Il teste. Il sait.
Le lait a une température précise. Une humeur. Un rythme.
Ici, on n’improvise pas.
On respecte.

Les caves cathédrales

Puis je suis descendue.
Dans les caves d’affinage, il fait frais, humide, sacré.

Des meules géantes, alignées comme des piliers d’un temple invisible.
L’odeur est dense, presque animale. Le bois grince.
Et chaque fromage porte le nom du lieu, gravé comme une signature : Arêches, Hauteluce, Queige…

Je suis restée là dix minutes sans parler.
Il paraît que le fromage entend.
Alors j’ai pensé très fort : Merci.

Une coopérative au sens plein

Ici, tout est collectif.
Les agriculteurs livrent leur lait chaque jour.
Les fromagers transforment.
Les affineurs patientent.
Et tous gagnent ensemble.

C’est une économie douce, ancrée, fidèle.
Une forme de solidarité qui sent bon la tomme et le bois de hêtre.

En sortant, je n’ai pas qu'acheté un fromage

J’ai acheté une parcelle de paysage, une saison de traite, une poignée de gestes anciens.
Et ce goût-là, je vous jure, il reste.